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Portrait de Dr. Abdoul Karim Safieddine, pharmacien pionnier

DR ABDOUL KARIM SAFIEDDINE

PHARMACIEN

L’HOMME PIONNIER DE TOUTES LES LUTTES

S’il y a une personne qui incarne le respect de ses pairs dans le monde pharmaceutique au Sénégal, c’est bien le docteur Abdoul Karim Safieddine. Avec son officine implantée au cœur de Guédiawaye depuis 1974 après sa sortie de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar en 1971 comme pharmacien. L’homme fait partie des pionniers dans ladite localité. Né à Dakar en 1942, de parents originaires du Liban, l’homme a réussi, malgré toutes les difficultés à se faire un nom dans le monde de la pharmacie d’officine. Portrait…

Le seul fait de prononcer Dr Safieddine, lui confère le nom de « doyen » par ses pairs dans la localité de Guédiawaye située dans la banlieue dakaroise. Trouvé à son officine, cet homme au teint clair et cheveux ondulés, résultat de ses origines libanaises, est très disponible. Il a été de toutes les luttes pour de meilleures conditions des pharmaciens. Derrière le comptoir, ce septuagénaire à la taille moyenne, informe une cliente venue demander conseil à un professionnel, pendant que le reste du personnel vaquait à leur occupation. Des difficultés ! El Hadj Abdoul Karim Safieddine en a connu dans ses débuts.

Diplômé, de la deuxième promotion de pharmaciens de la faculté de médecine, pharmacie et d’odontostomatologie en 1971 (ils étaient à peine une quinzaine d’étudiants en 1ere année !), il lui aura fallu trois années pour s’installer. En ce temps-là, sur un total de quatre vingt cinq pharmacies sur l’ensemble du territoire national, deux étaient prévues à Guédiawaye et elles étaient en suspens pendant deux ans, parce que personne n’en voulait, a fait savoir l’homme, car cette zone venait d’être créée à la suite des « déguerpissements » de plusieurs quartiers de Dakar. Pressentant que Guédiawaye, cette banlieue déshéritée, pour l’instant, était prometteuse d’un avenir potentiellement meilleur, sans hésiter, il s’en est remis à la Volonté Divine et fut autorisé, en 1974, à y installé la première officine de pharmacie dans cette localité. Il venait de se marier et déménagea de Dakar centre à Pikine, pour être plus proche de sa « PHARMACIE GUEDIAWAYE ». Les débuts furent pénibles, faisant des recettes journalières entre seulement trois mille cinq cents et dix mille francs Cfa… Il raconte avec ironie et un brin de fierté, la première fois où il a fait quinze milles (15.000 F) francs de recette, il a invité sa femme au restaurant…

Surnommé le « pharmacien rouge » par certains de ses confrères

Déjà dans ses débuts, Abdoul Karim Safieddine avait des idées très innovatrices et prédisait des lendemains meilleurs pour la pharmacie sénégalaise à condition qu’elle s’adapte au contexte économique et social du pays. Il n’a jamais eu peur de ses idées et les criait tout haut. « On m’appelait à l’époque le « pharmacien rouge » (communiste) parce que j’avais des idées prétendument «  révolutionnaires », a-t-il laissé entendre. L’exemple le plus patent selon lui, fût, lorsqu’il a proposé à l’occasion d’une rencontre de pharmaciens de déconditionner les médicaments comme chez les américains, pour éviter  d’une part, la  surconsommation anarchique des médicaments après leur utilisation   et,  d’autre part, un jour, l’émergence d’un marché parallèle, qui vendrait, à moindre prix, dans la rue, des comprimés emballés dans des petits sachets en  plastique et ce, selon le principe immuable que « la nature a horreur du vide ».

Tel un prédicateur, l’histoire a fini par lui donner raison. Et c’est pour apporter une réponse à ce marché parallèle qu’est née l’Initiative de Bamako (I.B.), en 1992.Cette I.B. a permis alors aux centres de santé de vendre sous forme de « blisters », des génériques de première nécessité ; c’est de là que le déconditionnement est parti avec l’aide de Sipoa (première industrie) et la pharmacie nationale d’approvisionnement (PNA). Le Dr Safieddine, considéra l’IB comme un succès de la profession contre le marché parallèle illégal. C’est aux pharmaciens de favoriser et de promouvoir l’accès de ces génériques, à moindre cout. Cette démarche citoyenne possède trois avantages majeurs :

– Premièrement : rendre le médicament plus accessible aux plus démunis.

– Deuxièmement : délivrer le générique par la pharmacie, donc par un personnel qualifié, compétent et respectueux de tous les critères de qualité

– Troisièmement : gêner considérablement le marché illicite et illégal du « médicament de la rue », en le combattant légalement sur son propre terrain.

Abdoul Karim Safieddine reconnaît que des efforts « ponctuels » ont été réalisés par les autorités dans leur lutte contre ce marché illicite, cependant, il constate amèrement que beaucoup reste à faire dans ce domaine…

Un autre sujet de fierté pour ce « pharmacien rouge », a été la suppression totale des droits de douane obtenue par tous les acteurs de la profession. Il avait qualifié « de véritable impôt sur la santé » ces droits qui étaient de l’ordre de 57% ! 

Abdoul Karim Safieddine, le social au cœur

Pour marquer d’une empreinte indélébile sa partition dans la lutte contre le coronavirus, ce pharmacien, membre actif du « Collectif des Pharmaciens de Guédiawaye » (COPHARG) a participé à des dons de matériels comme des masques, alcoogels, désinfectants, kits de lavage des mains, entre autres, à certains corps constitués de Guédiawaye. Il faut dire que pour ce « sénégalais khonkh nopp », comme il l’affirme et l’assume pleinement et   fièrement, le social est au cœur de toutes ses actions. C’est ainsi, qu’il a contribué à l’implantation dans l’enceinte de l’ancien tribunal départemental de Guédiawaye, d’une association, dénommée « Unies-Vers-Elles », (lire : Universelles), fondée par Madame Mona Chasserio. La « Maison Rose Darou Salam » est le siège de cette association dont la vocation est de s’occuper des femmes de la rue, dénommées travailleuses du sexe et des violences faites aux femmes et de celles qui sont victimes de viols ou rejetées par leur milieu familial, pour cause de grossesse hors mariage. Toutes ces personnes en détresse, viennent se « poser » dans ce havre de paix ou, avec l’aide d’une équipe d’accompagnants spécialisés, elles vont se « reconstruire » et reprendre progressivement gout à la vie, avec comme bagage, une formation dans un métier valorisant. Cette volonté de vouloir sans cesse venir en aide aux plus démunis, Dr Safieddine la puise certainement dans son ancrage dans la religion musulmane où l’aide de son prochain est un des piliers fondamentaux. 

Le Dr Safieddine souligne que le Sénégal n’est pas aussi pourvu en moyen de dépistage au niveau du comptoir qu’ailleurs, dans la mesure où, les rôles principaux attribués au pharmacien sont la préparation et délivrance des médicaments. Dans nos pays émergeants, les populations ont tendance à venir d’abord demander conseil auprès du pharmacien du quartier avant de se diriger vers les structures de santé, souvent débordées. Il est dans ce sens, un acteur privé incontournable de la santé publique de proximité.  C’est d’ailleurs ce qui a poussé l’Organisation mondiale de la santé (Oms) à constater qu’il faut nécessairement, à la limite obligatoirement, associer le pharmacien parce qu’il est au premier front. Par exemple, dans le cadre du Programme de Lutte contre la Tuberculose (PLT), le pharmacien n’interviendrait nullement dans le traitement de cette maladie infectieuse (entièrement pris en charge par l’état), mais plutôt, après un interrogatoire précis, dans l’orientation du patient/client, vers la structure spécialisée la plus proche.

Un autre exemple dans le cadre du Planning Familial (PF), le pharmacien, peut dans son officine, expliquer schémas à l’appui, aux femmes ou aux couples quelles sont les différentes méthodes utilisées pour ensuite les référer vers la structure appropriée.

Certes, le pharmacien d’officine peut effectuer sur place, un Test de Dépistage Rapide (TDR) concernant le paludisme et la grossesse. Il contrôle la glycémie et tire la sonnette d’alarme en cas de diabète méconnu du patient/client en l’orientant vers un service de diabétologie. Par la prise régulière de la tension artérielle, il peut assurer aussi au patient /client le suivi d’un traitement anti hyper ou hypotenseur prescrit par son médecin traitant. Il doit s’atteler à maintenir un climat convivial de relation de confiance avec toutes les personnes qui viennent lui soumettre leurs problèmes.

Cependant, Abdoul Karim Safieddine souhaiterait que d’autres possibilités de tests soient autorisées et disponibles au niveau de l’officine par exemple : les TROD angines (virales ou bactériennes), de l’hépatite virale etc., ce qui permettrait au patient/client, une fois référé, d’être pris en charge plus rapidement.

L’autre mal de la pharmacie selon A. Karim Safieddine réside dans l’industrie pharmaceutique locale. De l’avis du spécialiste, celle-ci tarde à décoller parce qu’il « n’y a pas eu d’engagement politique pour encourager les nationaux à créer une industrie locale à vocation régionale ». Même s’il admet qu’il y a eu des tentatives, il estime par ailleurs qu’« il est grand temps maintenant de passer à la production locale, parce que nous sommes aujourd’hui 16 millions d’habitants sans compter le marché de la sous-région et le futur espace de libre échange panafricain qui se profile dans un très proche avenir ».

Le pharmacien en eau trouble         

Abdoul Karim estime que la profession de pharmacien d’officine va traverser des moments très difficiles si elle manque de vigilance et d’adaptabilité.

De vigilance, quant aux velléités du secteur privé qui tente de s’incruster dans le monopole de la vente des médicaments au public. Je prends pour exemple la récente tentative d’une grande surface de la place qui avait mis dans ses rayons des médicaments multivitaminés vendus exclusivement en pharmacie, Fort heureusement, la perspicacité et la vigilance de toutes les instances de la profession avaient vite fait de régler vigoureusement ce problème. D’autres menaces de taille se profilent : ce sont les ventes en ligne (du genre Amazone), absolument hors contrôle et qui mettent pêlemêle : médicaments délivrés normalement en pharmacie, avec chaussures, sous-vêtements, raticides, parfums, désinfectants… le tout dans le même panier de commande livrée à domicile, svp ! Dans ce même chapitre, Abdoul Karim Safieddine a déjà tiré la sonnette d’alarme sur les réseaux sociaux de la profession sur la mise en place au Sénégal, d’un système de livraison à domicile de prescriptions commandées à partir d’une plateforme informatique. Ce qui constitue un acte de concurrence déloyale par des consœurs et confrères qui ont imaginé ce système de détournement des clients/patients de leurs pharmacies habituelles de proximité.

D’adaptabilité. Il exhorte les officinaux à plus de perspicacité et d’anticipation quant aux différentes opportunités qui s’offrent à nous pour améliorer la rentabilité de nos pharmacies. De par notre formation, nous sommes les professionnels les mieux placés pour être les fers de lance pour bien nous positionner dans la parapharmacie (cosmétiques, diététique, alimentation infantile, compléments alimentaires.) Partant une fois de plus du principe : « La nature qui a horreur du vide », s’y ajoute un autre qui est : « un besoin, on le crée », je suggère à mes consœurs et confrères de prévoir dans chaque pharmacie un rayon de produits issus de la médecine traditionnelle : nebedaye, laydour, nepnep, bentamaré, fagara. etc., une demande en croissance est notée par la clientèle mise en confiance par la qualité de ces produits fabriqués par des professionnels.

Son passe-temps favori est la lecture mais aussi, beaucoup de recherches dans le domaine de l’Histoire, de la philosophie, de toutes les religions (« révélées » ou non révélées), et de la spiritualité. C’est un fervent militant du dialogue Islamo-Chrétien. Il porte une admiration particulaire pour tous ceux qui militent dans ce sens au Sénégal et ailleurs : l’Abbé Jacques Seck, Amadou Hampathé Bâ, le Pasteur Pierre Adama Faye et tant d’autres…, bref, de tous ceux qui œuvrent pour une bonne cohésion sociale au sein de Sunugaal. Rien de surprenant, pour un homme à la dimension de Abdoul Karim Safieddine.

AISSATOU DIOP

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